C’est une question qui revient de manière récurrente quand on commence à parler du Crédit Impôt Recherche (CIR) : “ce dispositif est-il si efficace que cela ?”

Le Conseil d’analyse économique (CAE), qui réalise, en toute indépendance, des analyses économiques pour le gouvernement, et les rend publiques, a publié en fin de semaine dernière un “Focus” de 11 pages dédié au CIR, et écrit par Philippe Aghion, Nicolas Chanut et Xavier Jaravel, économistes au Collège de France, INSEAD et London School of Economics (LSE).

L’idée de ce focus : après avoir fait un bilan relativement contrasté de l’efficacité du CIR (notamment au sein des grands groupes), l’objectif est de déterminer des pistes pour l’optimiser et ainsi accroître son efficacité.

Car oui, c’est un dispositif utile.
Mais oui, il peut sûrement être amélioré ou être plus en adéquation avec le contexte et les enjeux économiques actuels.

LabOxy vous détaille les pistes abordées dans ce focus.

Petit rappel pour commencer

En 2018, la part de dépenses de R&D dans le PIB français était de 2,2%. Bien ? Pas exactement. L’objectif fixé étant de 3%, le compte n’y est pas vraiment. Qui plus est quand la moyenne des pays de l’OCDE est à 2,4%, l’Allemagne à 3,1% et les USA à 3%.

Et pourtant… le soutien public à la R&D privée en France (via le CIR) est très important en comparaison avec les autres pays (20% des dépenses R&D en France contre 6% dans l’OCDE et 4% aux USA par exemple).

Les explications de ce contraste peuvent être multiples (nous vous laissons lire l’étude dans le détail), mais focalisons-nous ici sur les grandes tendances qui en ressortent.

Un manque d’efficacité – et non une inefficacité – du CIR selon plusieurs rapports

La CNEPI (Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation) et la Direction Générale du Trésor ont toutes les 2 évoqué un relatif manque d’efficacité du CIR, avec un effet macroéconomique au final assez faible. Ceci étant encore plus vrai pour les ETI et les grandes entreprises. Globalement, ces études montrent que le CIR améliore certains indicateurs mais reste neutre pour d’autres.

Même si tout n’est donc pas rose dans l’analyse et l’efficacité du CIR, ces études sont quand même assez loin des discours alarmistes et des cris d’orfraie de certains médias et opinions politiques qui ne reprennent que les points négatifs.

Un “ROI” pour le CIR 2 fois plus élevé quand il est dirigé vers les TPE PME

La notion de retour sur investissement (ROI) quand on parle du CIR est assez subjective car elle peut être calculée de nombreuses manières différentes. Cependant, dans leur étude qui fait l’objet de ce focus, les auteurs ont décidé d’« estimer ce rendement en fonction de la taille des entreprises sur une mesure concrète de l’innovation, les brevets ».

Il s’avère qu’« un million d’euros dirigé vers des TPE est associé à un dépôt de 1,165 brevet, contre 0,464 lorsque ce même million d’euros est dirigé vers les GE, soit un rendement 2,5 fois supérieur ».

Les TPE qui déposent donc des brevets (elles ne le font pas toutes) le font donc avec beaucoup moins d’argent public, en proportion, que les grandes entreprises.

Optimiser le CIR ? C’est possible selon cette étude !

Les auteurs de l’étude se sont penchés sur 2 scénarios de modification du CIR, en fonction des constats évoqués précédemment. 1 scénario de réforme a minima, et 1 scénario de réforme plus ambitieux.

Scénario 1, réforme a minima : suppression du taux à 5% au‐delà de 100 millions d’euros de dépenses

Dans ce scénario, le montant maximum de dépenses éligibles au CIR serait donc de 100 millions. 400 millions d’euros de CIR (ceux actuellement versés aux entreprises bénéficiant de ce taux à 5%, au dessus de 100 millions d’euros de dépenses de R&D, soit une vingtaine d’entreprises en tout et pour tout) pourraient donc ainsi être redistribués vers les TPE/PME en augmentant leurs taux de subvention de 30 à 35%.

A enveloppe constante, les TPE/PME « profiteraient » donc mieux des aspects bénéfiques du CIR avec un taux prenant 5 points.

Scénario 2, réforme ambitieuse : définir un montant maximum de dépenses éligibles à 20 millions d’euros

Ce scénario affecterait bien évidemment les ETI et grandes entreprises, puisque le montant de dépenses éligibles baisserait fortement. Cependant, cette baisse serait compensée par une augmentation du taux de subvention, passant de 30% à 42% pour les dépenses allant jusqu’à 20 millions d’euros. Une réallocation estimée à 2,5 milliards d’euros, qui permettraient à toutes les entreprises (sauf les 2% de grands groupes) d’en ressortir gagnantes, avec un dispositif plus efficace.

Avec ces réformes, le CIR français se rapprocherait de ses voisins anglais et allemands dans l’approche ; les TPE/PME de ces pays étant déjà favorisées dans leurs dispositifs.

Optimiser le dispositif du CIR, serait-ce risqué ?

Les auteurs de l’étude expliquent qu’une optimisation du CIR ne remettrait pas en cause la compétitivité internationale de la R&D en France et constituerait une perte limitée pour les grandes entreprises. Plusieurs facteurs viennent étayer cela : les réformes récentes de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, le coût du chercheur en France toujours très intéressant grâce au CIR, etc.

Enfin, les auteurs relèvent également que selon plusieurs études, en matière de choix de la localisation R&D des grands groupes, « les facteurs de coûts (incitations fiscales, coût du travail) sont des déterminants moins importants que la qualité de l’environnement d’innovation : qualité et quantité de personnels de R&D, proximité avec des universités d’excellence, présence d’un écosystème d’entreprises innovantes, etc. »

C’est donc bien sur la compétitivité hors coût qu’il faudra axer nos efforts dans le futur, la France étant déjà bien compétitive sur la partie incitations fiscales.

Pour consulter le focus complet, cliquez ici.

Le CIR français en quelques points

  • Le plus généreux des dispositifs fiscaux d’aide à la R&D dans l’OCDE
  • Un taux d’aide en fonction du volume des dépenses de R&D : 30% jusqu’à 100 millions de dépenses, 5% au-delà.
  • 7 milliards de dépenses fiscales liées au CIR en 2018
  • Les 100 plus gros bénéficiaires ont reçu en 2018 33% de l’enveloppe totale du CIR
  • Les entreprises de 5000 salariés et plus ont reçu 36% de l’enveloppe totale du CIR
  • Cette proportion est en augmentation

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